Qu'avons nous retenu de "Notre jeunesse" ?
Par RST le vendredi, 8 mai 2015, 21:21 - Notes de lecture - Lien permanent
Charles Péguy était, on le sait, l’un des écrivains préférés d’un autre Charles, le Général de Gaulle. Je me devais donc de m’intéresser un jour ou l’autre à cet auteur. Le hasard m’a récemment mis entre les mains « Notre jeunesse », publié en 1910. C’est un ouvrage qui se lit facilement. Le style est agréable quoique particulier notamment parce que Peguy use et abuse des répétions et des synonymes. Il peut parfois paraitre partiellement obscur car très lié au contexte politique de l’époque et notamment aux conséquences de l’affaire Dreyfuss. Mais il surprend le lecteur attentif par une modernité qui peut laisser penser que rien n’a vraiment changé depuis un siècle. Je vous propose ci-après quelques citations.
Déjà à l’époque, les
élections étaient considérées comme un piège à cons. Mais c’est toujours mieux
que rien, en attendant autre chose comme… le tirage au sort.
« Ces élections aujourd'hui vous paraissent une formalité grotesque,
universellement menteuse, truquée de toutes parts. Et vous avez le droit de le
dire. Mais des hommes ont vécu, des hommes sans nombre, des héros, des martyrs,
et je dirai des saints, - et quand je dis des saints je sais peut-être ce que
je dis, - des hommes ont vécu sans nombre, héroïquement, saintement, des hommes
ont souffert, des hommes sont morts, tout un peuple a vécu pour que le dernier
des imbéciles aujourd'hui ait le droit d'accomplir cette formalité truquée. Ce
fut un terrible, un laborieux, un redoutable enfantement. Ce ne fut pas
toujours du dernier grotesque. Et des peuples autour de nous, des peuples
entiers, des races travaillent du même enfantement douloureux, travaillent et
luttent pour obtenir cette formalité dérisoire. Ces élections sont dérisoires.
Mais il y a eu un temps, (…), un temps héroïque où les malades et les mourants se faisaient porter dans des
chaises pour aller déposer leur bulletin dans l'urne. Déposer son bulletin dans
l'urne, cette expression vous parait aujourd'hui du dernier grotesque. Elle a
été préparée par un siècle d'héroïsme. Non pas d'héroïsme à la manque, d'un
héroïsme à la littéraire. Par un siècle du plus incontestable, du plus authentique héroïsme. Et je dirai du plus
français. Ces élections sont dérisoires. Mais il y a eu une élection.»
La citation peut-être la plus célèbre « Tout commence en mystique et finit en politique » se comprend aisément quand on la complète par cette autre : « (…) la mystique républicaine, c'était quand on mourait pour la République, la politique républicaine, c'est à présent qu'on en vit. »
Une mise en garde vis-à-vis
des partis politiques que ne saurait renier Charles De Gaulle :
« Prendre son billet au départ, dans un parti, dans une faction, et ne
plus jamais regarder comment le train roule et surtout sur quoi le train roule,
c'est, pour un homme, se placer résolument dans les meilleures conditions pour
se faire criminel. »
Un argument de bon sens
pour combattre toutes les théories du complot : ceux qui profitent des
évènements ne sont pas nécessairement ceux qui en ont été à l’origine.
« C'est précisément la commune erreur historique, la commune erreur
intellectuelle en matière d'histoire, que de reporter, en toute affaire
historique, sur les vertus des fondateurs l'ombre portée des abusements des
profiteurs. »