Qu’est ce qu’une ville soutenable selon Pierre-Noël Giraud
Par RST le samedi, 21 mai 2011, 06:00 - Macroéconomie - Lien permanent
C’est le thème de l’exposé fait par l’auteur du "Commerce des promesses" dans le cadre du colloque de la Fondation Res Publica du 16 mai dernier intitulé "Quelle politique industrielle pour relever le défi climatique ?" J’avoue que j’ignorais que P.N.Giraud était un spécialiste de ce genre de sujet. Quand je l’ai interrogé sur une suite éventuelle à son célèbre ouvrage mentionné ci-dessus et qui traiterait de la crise actuelle, il m’a indiqué que ce n’était pas à l’ordre du jour, le seul développement prévu étant une version en anglais. Il m’a expliqué qu’il se consacrait actuellement aux problématiques liées à l’urbanisation mais je n’ai hélas pas retenu les références de l’étude à laquelle il a récemment participé. Faute de suite au "Commerce des promesses", je ne saurai donc pas qui, selon Giraud, aura droit au mistigri lorsque la crise sera finie. Néanmoins, grâce à son intervention lors du colloque, j’ai appris des choses très intéressantes concernant ce qu’il faudrait faire pour que le développement des villes se fasse sans mettre en danger la seule ressource réellement rare selon l’économiste, à savoir l’atmosphère. C’est ce que je vous propose de découvrir.
Pierre-Noël Giraud a débuté son exposé en signalant, pour fixer les idées, que l’on construisait chaque année dans le monde l’équivalent de 7 fois Shanghai. Ayant eu la chance de visiter la mégalopole chinoise, l’une des plus grandes du monde, j’espère que cette urbanisation nouvelle ne se fait pas sur le même modèle. Si l’on peut trouver un certain charme aux bâtiments modernes plus audacieux dans leur design les uns que les autres, il n’en reste pas moins que cette ville est un véritable cauchemar que l’on peut imaginer sorti tout droit du cerveau d’un auteur de science fiction. Les voies rapides se superposent les unes aux autres, passant au raz des fenêtres des immeubles avoisinant, et les embouteillages monstres sont le lot quotidien des habitants.
A partir de l’exemple de villes comparables, Atlanta et Barcelone, qui ont des consommations en énergie complètement différentes, la capitale de la Catalogne étant 10 fois plus économe que la ville américaine, Giraud affirme que l’on connait assez bien les caractéristiques de ce que l’on peut appeler une ville soutenable au niveau du climat. C’est une ville assez compacte où les distances entre stations de transport en commun sont raisonnables, électrifiée mais décarbonnée, dont les bâtiments sont convenablement isolés, utilisant des systèmes énergétiques intelligents. Il considère de plus que les technologies existant à l’heure actuelle permettent de faire beaucoup même si des progrès sont attendus dans certains domaines comme les pompes à chaleur, le solaire avec les capteurs minces, les batteries et le stockage de l’électricité, l’isolation et enfin les technologies de l’information et de la communication.
Selon Giraud, le principal obstacle à la réalisation de villes soutenables n’est donc pas l’état de la technologie mais l’éventuelle absence de politique publique permettant de mettre en place et de coordonner l’ensemble des mesures, fort nombreuses, indispensables au bon fonctionnement du système. Il prend ainsi l’exemple du "Bus rapid transit" tel qu’il a été conçu dans la ville de Bogota. Il a fallu des investissements publics pour créer les voies, des investissements privés pour la flotte de bus, une police efficace pour éviter les embouteillages. Il a aussi fallu prendre en compte les conflits d’intérêts existants comme, par exemple, le préjudice créé à l’encontre des petits artisans travaillant dans le secteur des transports. Il a été nécessaire d’éviter le développement de l’étalement urbain au bout des lignes, ce que Giraud appelle le contrôle de l’usage des sols. Enfin, une politique tarifaire incitatrice a du être mise en place, qui permette une qualité susceptible d’attirer les classes moyennes mais qui permette aussi l’accès des transports pour les plus pauvres.
On le voit donc, les défis qui s’offrent au développement de villes durables ne sont pas tant techniques que politiques. Seule une planification efficace par la puissance publique, garante de l’intérêt général, peut permettre de coordonner avec succès l’ensemble des mesures indispensables.