Pierre-Noël Giraud a débuté son exposé en signalant, pour fixer les idées, que l’on construisait chaque année dans le monde l’équivalent de 7 fois Shanghai. Ayant eu la chance de visiter la mégalopole chinoise, l’une des plus grandes du monde, j’espère que cette urbanisation nouvelle ne se fait pas sur le même modèle. Si l’on peut trouver un certain charme aux bâtiments modernes plus audacieux dans leur design les uns que les autres, il n’en reste pas moins que cette ville est un véritable cauchemar que l’on peut imaginer sorti tout droit du cerveau d’un auteur de science fiction. Les voies rapides se superposent les unes aux autres, passant au raz des fenêtres des immeubles avoisinant, et les embouteillages monstres sont le lot quotidien des habitants.

A partir de l’exemple de villes comparables, Atlanta et Barcelone, qui ont des consommations en énergie complètement différentes, la capitale de la Catalogne étant 10 fois plus économe que la ville américaine,  Giraud affirme que l’on connait assez bien les caractéristiques de ce que l’on peut appeler une ville soutenable au niveau du climat. C’est une ville assez compacte où les distances entre stations de transport en commun sont raisonnables, électrifiée mais décarbonnée, dont les  bâtiments sont convenablement isolés, utilisant des systèmes énergétiques intelligents. Il considère de plus que les technologies existant à l’heure actuelle permettent de faire beaucoup même si des progrès sont attendus dans certains domaines comme les pompes à chaleur, le solaire avec les capteurs minces, les batteries et le stockage de l’électricité, l’isolation et enfin les technologies de l’information et de la communication.

Selon Giraud, le principal obstacle à la réalisation de villes soutenables n’est donc pas l’état de la technologie mais l’éventuelle absence de politique publique permettant de mettre en place et de coordonner l’ensemble des mesures, fort nombreuses, indispensables au bon fonctionnement du système. Il prend ainsi l’exemple  du "Bus rapid transit" tel qu’il a été conçu dans la ville de Bogota. Il a fallu des investissements publics pour créer les voies, des investissements privés pour la flotte de bus, une police efficace pour éviter les embouteillages. Il a aussi fallu prendre en compte les conflits d’intérêts existants comme, par exemple, le préjudice créé  à l’encontre des petits artisans travaillant dans le secteur des transports. Il a été nécessaire d’éviter le développement de l’étalement urbain au bout des lignes, ce que Giraud appelle le contrôle de l’usage des sols. Enfin, une politique tarifaire incitatrice a du être mise en place, qui permette une qualité susceptible d’attirer les classes moyennes mais qui permette aussi l’accès des transports pour les plus pauvres.

On le voit donc, les défis qui s’offrent au développement de villes durables ne sont pas tant techniques que politiques. Seule une planification efficace par la puissance publique, garante de l’intérêt général, peut permettre de coordonner avec succès l’ensemble des mesures indispensables.