Marche arrière
Par RST le samedi, 28 avril 2012, 20:11 - Notes de lecture - Lien permanent
Je me souviens encore précisément à l’aube du XXIème siècle avoir discuté avec un bon ami à moi de savoir si, globalement, l’humanité progressait ou pas. Nous avions conclu cette conversation de comptoir, en convenant que c’était le cas et que, malgré les nombreux problèmes restant à régler, nous étions sur le chemin du bonheur. A l’époque, je n’avais pas encore découvert l’économie, cette science admirable qui nous aide à comprendre le monde. Et puis je ne connaissais pas Jacques Généreux. Et surtout, ce dernier n’avait pas encore publié "La Grande Régression".
Bref, j’étais un ignorant et ne m’en portais pas plus mal pour autant. Les choses ont depuis évolué. J’ai créé des lacunes dans mon ignorance et j’ai lu "La Grande Régression" dans laquelle Généreux démontre de manière tout à fait convaincante qu’en réalité, depuis maintenant 30 ans, nous avons enclenché la marche arrière sur la voie du progrès. Analysant la situation d’un point de vue historique et en la resituant sur une échelle de temps compatible avec l’histoire longue de l’humanité, il nous décrit le processus par lequel les néolibéraux n’ont, contrairement à ce que l’on entend dire, ni affaibli ni combattu le pouvoir de l’Etat, mais l’ont colonisé et étendu comme jamais pour le mettre au service d’intérêts très privés. Il nous montre comment le mouvement des sociétés modernes s’est inversé, tournant le dos aux promesses d’émancipation et de justice dans une société où les individus libres et égaux ne seraient plus tenus ensemble par la force mais par leur libre association dans une communauté politique. Il nous propose ce qu’il nomme une nouvelle renaissance en recréant des "liens qui libèrent" : « Au lieu de chercher en vain à construire une société contractuelle grâce à la libération des individus, il convient au contraire de construire la liberté des individus grâce à la qualité et à la diversité des liens sociaux »
Je n’ai pas pour ambition ici de restituer la totalité de la pensée de Généreux qui est dense et multiple. Il fait partie avec F.Lordon de cette catégorie d’économistes qui savent écrire et qui accordent autant d’importance à la forme qu’au fond. Le lire est donc un réel plaisir, en plus d’être une source de réflexion, que je ne peux que recommander. Je reviendrai néanmoins sur cet ouvrage indispensable dans de prochains billets.