Les structures, encore les structures, toujours les structures
Par RST le mercredi, 17 février 2010, 18:57 - Monnaie - Lien permanent
Dans sa dernière livraison Frédéric Lordon traite d’un sujet d’actualité, la dette publique, et de son corolaire possible, la création monétaire. Comme à son habitude, il recadre le débat en remettant en perspective un certain nombre d’idées reçues comme, par exemple, celle qui veut que depuis 1973 les avances de la Banque de France au Trésor auraient été rendues totalement impossibles. Or, nous rappelle-t-il, le financement monétaire est toujours, non seulement praticable, mais pratiqué au travers de l’acquisition indirecte de titres par la Banque Centrale. Ceci étant dit, il me semble quand même que le fait qu’il y ait des intermédiaires dans ce processus (les banques commerciales qui, sauf erreur de ma part, doivent revendre plus cher les titres achetés initialement), entraine un surcoût pour la collectivité. Ce point reste néanmoins flou dans mon esprit et je fais appel aux bonnes volontés pour apporter un éclaircissement. Mais là ne réside sans doute pas l’essentiel du propos de Lordon qui, une fois de plus, s’attaque aux structures de la finance et des marchés.
Après avoir rappelé que la dette
ne constitue pas en elle-même un problème tant qu’elle reste sous-contrôle,
F.Lordon dé-diabolise le financement monétaire des déficits "qui trouve tout son sens lorsque l’output
gap, c’est-à-dire l’écart entre le PIB effectif et le PIB potentiel (la capacité
de production) est aussi marqué qu’il l’est actuellement, qui plus est dans une
situation où le risque dominant est au moins autant celui de la déflation que
de l’inflation. S’il ne s’agit donc pas de dire que le financement monétaire
des déficits publics est universellement possible ni d’une parfaite innocuité,
il n’est, symétriquement, pas davantage question de le prétendre « toujours et
partout » inefficace et fauteur d’inflation. En d’autres termes : ça se
regarde. "
Il attire ensuite notre attention
sur les risques que constitueraient la remise du "robinet monétaire directement dans les mains de l’État" ou
plus exactement entre les mains du ou des gouvernants qui ne manqueraient pas
de faire un usage plus que critiquable (surtout en période électorale) de cet
"instrument de puissance au service
des puissances qui s’en emparent".
Il s’interroge alors sur les
institutions qui restent à inventer pour établir un compromis afin "de tenir ensemble et la possibilité
rationnelle du financement monétaire (éventuellement partiel) des déficits
publics et le risque surplombant de l’abus (hyper)inflationniste (avec les
destructions qui s’ensuivent)." C’est au corps politique d’intervenir
ici (et non aux seuls comités d’experts) pour imaginer et mettre en place ces
nouvelles structures. On retrouve là une idée chère à Lordon, à savoir la juste
division du travail entre ceux qui, comme lui réfléchissent et proposent des
pistes à suivre (comme par exemple le système
socialisé du crédit qui s’inscrit parfaitement dans ce cadre) et ceux qui,
principalement les politiques, sont censées s’en emparer et agir pour les
mettre en œuvre.
Et il n’y a là rien d’impossible : "Contre les discours de la normalisation, proclamant l’inexistence de toute alternative, il faut donc rappeler que le partage du possible et de l’impossible renvoie toujours en amont à des structures qui sont elles-mêmes contingentes, c’est-à-dire faites de main d’hommes, et par là susceptibles d’être défaites, afin d’être refaites. Ou pour le dire plus simplement et presque tautologiquement : rien n’est impossible… à condition qu’en soit créées les (toujours possibles) conditions de possibilité."