J’ai eu l’occasion de passer de nombreux entretiens d’embauche au cours de mon existence. J’avoue avoir généralement plutôt apprécié l’exercice et je me serais bien vu passer professionnel dans cette activité si elle avait nourri son homme. Mais ce n’est hélas pas le cas, passer des entretiens n’étant pas une fin en soi. J’ai donc dû finalement profiter du résultat positif de l’un de ces entretiens pour accepter l’offre de collaboration qui m’était faite d’apporter ma pierre à la mondialisation capitaliste, et qui me voit aujourd’hui, à mon tour, faire passer des entretiens d’embauche. Ce n’est toujours pas mon activité principale mais une conséquence des responsabilités que j’exerce. Et je prends autant mon pied à les faire passer que je le prenais à les passer. Cela fait-il de moi un autoreverse ? Ce n’est pas l’objet du présent texte et je passe donc rapidement sur cette question pour en venir au fondement – toujours rien de sexuel – de ce texte : je suis convaincu que, comme le dit l’adage, on n'a pas deux fois l'occasion de faire une première bonne impression. Je sais, c’est un cliché largement éculé – toujours rien de sexuel – et je vais reformuler illico presto en disant que tout se joue dans les cinq premières minutes. L’impression qu’on se fait pendant ce court laps de temps conditionne grandement la suite qui sera donnée à l’entrevue. Je parle d’expérience.

Mais cette façon de juger – ou plutôt de jauger – son prochain  n’est pas spécifique au domaine professionnel. Les contacts humains de tous les jours et les connexions que l’on établit se font aussi sur le même principe. J’ai encore pu m’en apercevoir récemment au cours d’une rencontre de la dernière chance programmée pour faire le point avec un individu que je m’apprêtais à assassiner dans le fameux texte mentionné au début de cet article. Ma motivation était forte, mon pamphlet déjà en grande partie écrit et mon envie de vengeance, inébranlable. J’irai même jusqu’à parler de rage mag. Il ne me fallut pourtant que quelques secondes pour réaliser que je ne dirais pas du mal de l’homme assis en face de moi que je ne connaissais pas cinq minutes auparavant.
 
J’ai ainsi perdu une bonne occasion de me faire un ennemi – je ne sais si, en échange, je me suis fait un ami – et je vais donc devoir, faute de mieux, continuer à taper sur les économistes et sur Paul Jorion