« Dès son origine, la publicité a été la force motrice du système capitaliste. À l’époque précapitaliste, quand l’activité économique évoluait plus à l’horizontale qu’en courbe ascendante, les humains étaient habitués à travailler juste assez pour assurer leur survie quotidienne. L’épargne était pratiquement inexistante. La révolution industrielle a considérablement accru la production matérielle et augmenté les salaires. C’est pour s’assurer que ces revenus seraient rapidement dépensés dans la consommation des biens produits par les ouvriers que l’on a inventé la publicité. […]Dans le dictionnaire, la première définition de « consommer » était « gâcher, piller et épuiser ». Ce n’est que dans les années 1920, avec l’avènement de la publicité moderne, que la consommation a changé de visage : elle a cessé d’être un fléau pour devenir une aspiration sociale. Le secteur de la publicité a réorienté le psychisme populaire : évinçant la tradition ancestrale de frugalité, il a  prôné une nouvelle éthique qui valorisait la dépense et non l’économie. Consommer est devenu la preuve suprême de la réussite et l’essence même de la modernité.»
« […] la principale motivation humaine n’est pas le désir insatiable de biens matériels, comme voudraient nous le faire croire les économistes, mais bien la quête de sociabilité. Ce qui nous rend heureux, une fois satisfaites nos exigences minimales de confort matériel, c’est l’affection et la compagnie. Nous cherchons à nouer des liens affectifs, pas à posséder et à dévorer – et tout cela remet en cause les deux postulats directeurs de la science économique : les choses auxquelles nous aspirons le plus dans la vie sont rares et nos désirs sont illimités. En réalité, les choses auxquelles nous aspirons le plus ne sont pas rares, mais d’une abondance infinie : l’amour, l’acceptation et la reconnaissance de notre humanité. La publicité le comprend, même si les économistes ne le voient pas. On dépense chaque année des centaines de milliards de dollars pour faire appel dans les messages publicitaires à ces motivations profondes, et suggérer, en toute mauvaise foi, que la meilleure façon de les satisfaire est d’acheter, d’accumuler et de consommer davantage de biens matériels, alors qu’on sait très bien que ces désirs fabriqués nous éloignent en fait encore plus de notre quête de la communauté. Que le comportement humain changerait vite si la publicité disparaissait soudain de notre quotidien ! »

Extrait de « La nouvelle société du coût marginal zéro » de Jeremy Rifkin

 

 « En toute sincérité, ne vous est-il jamais arrivé d'effectuer un achat sans trop savoir pourquoi: par exemple une automobile de telle marque plutôt que de telle autre ? Oui ? Alors vous vous rappelez peut-être que vous vous êtes efforcé aussitôt après de trouver des raisons qui attestaient du bien-fondé de votre achat. Et ces raisons où les avez-vous trouvées, sinon dans la publicité ? On peut à ce propos se demander si l'une des fonctions essentielles des images publicitaires, plutôt que d'appâter le client potentiel, ce que l'on proclame, ne serait pas de conforter les clients effectifs dans les comportements d'achat qu'ils ont déjà réalisés, ce qu'on ne dit pas. Si on ne le dit pas, c'est soit qu'on l'ignore, soit qu'on feint de l'ignorer, parce que le dire reviendrait à s'avouer que la qualité des produits ne suffit pas à entretenir leur consommation et conséquemment qu'il faut nourrir d'images celui qui vient d'acheter un produit donné, pour des raisons non maitrisées, afin qu'il persiste dans l'achat de ce produit. »

Extrait de « Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens » de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois