Avant que ne commence la conférence, j’eu tout d’abord un échange avec un jeune cadre visiblement dynamique, ancien de chez JP Morgan, me demandant si j’étais là … pour obtenir des conseils boursiers. Quand je lui ai expliqué qu’en fait je voulais tout foutre en l’air comprendre le rôle exact de la finance et du système monétaire dans la crise actuelle, je l’ai senti soudain beaucoup moins désireux de faire ami-ami et la discussion a rapidement tourné court. Ma croisade contre la finance ne démarrait donc pas par un franc succès. Et ce n’est pas la lecture rapide des documents utilisés en support à l’exposé à venir qui pouvait me laisser entrevoir une conversion massive de l’assistance à mes idées subversives. On y trouvait en effet nombre des raccourcis et clichés usuels utilisés par les obsédés compulsifs du déficit et de l’Etat-responsable-de-tous-nos-maux.

Reconnaissons aux organisateurs de l’événement et à F.Giovansili l’immense  mérite d’avoir permis le débat dans un esprit ouvert et constructif. J’ai ainsi pu prendre la parole à plusieurs reprises et apporter la contradiction avec un certain nombre d’arguments qui, à défaut d’avoir convaincu, ont néanmoins été pris en compte. C’est ainsi que l’orateur, après avoir lourdement insisté sur le déficit de la sécurité sociale, a bien voulu reconnaitre qu’effectivement, avant la crise, le budget de l’Etat aurait été à l’équilibre si nous n’avions pas eu à rembourser les intérêts de cette fameuse dette. J’ai aussi obtenu qu’il reconnaisse du bout des lèvres que la monétisation pouvait être, au moins théoriquement, l’un des scénarios de sortie de crise même si les traités interdisaient une telle solution. Mes interventions ont eu un effet un peu inattendu : après avoir expliqué  que la France se distinguait par un taux de prélèvements obligatoires plus élevés que la moyenne européenne, le conférencier s’est empressé de nuancer de lui-même en soulignant que cela n’avait pas nécessairement de signification puisqu’il fallait intégrer à une comparaison éventuelle, les différences de systèmes sociaux. Je me suis dis alors qu’il avait préféré prendre les devants avant que je ne fasse moi-même la réflexion.   

Mais ma plus grande satisfaction, au-delà du simple fait d’avoir réussi à ne pas être ridicule face à un professionnel de la finance, vint de ces deux jeunes diplômés qui sont venus me voir à la fin de la séance pour me dire qu’ils étaient d’accord avec moi. La discussion s’est alors engagée et j’ai pu constater que nos grandes écoles ne formaient pas que des futurs traders mais aussi visiblement des citoyens soucieux du bien commun et conscient que le fonctionnement du système monétaire actuel était tout sauf satisfaisant. J’ai aussi pu constater que les banquiers, faut-il le rappeler, ne savent pas toujours ce qu’ils font, certains spécialistes de la finance ne voulant se résoudre à admettre que les banques sont à l’origine de la création monétaire selon l’adage bien connu : « les crédits font les dépôts »

J’ai suggéré un thème aux organisateurs pour une prochaine conférence : la création monétaire. J’ai peur que le sujet ne soit pas assez consensuel et que, malgré leur ouverture d’esprit, ils ne se risquent pas à déclencher la polémique.