La thèse principale défendue par l’auteur, basée sur l’analyse des crises économiques mondiales depuis le début des années 1600 à nos jours, est que le système économique a impérativement besoin d’un prêteur en dernier ressort pour éviter les crises, et qu’il est nécessaire de fixer l’offre de monnaie sur le long terme tout en lui conservant souplesse et élasticité pendant les crises de court terme. Sur la nature exacte du prêteur en dernier ressort (gouvernement, banque centrale, institution financière internationale, …), le débat reste ouvert mais pour qu’il puisse avoir une quelconque efficacité, on doit toujours douter de son existence (afin d’éviter ce que l’on appelle l’aléa moral). Si l’on peut adhérer au principe proposé, on le voit, sa mise en œuvre ne parait pas évidente.

L’ouvrage aborde bien naturellement à de nombreuses reprises la notion de monnaie « bien public qui se prête à une exploitation privée » et qui se révèle être « un concept délicat à cerner et en conséquence difficile à quantifier pour les besoins de l’économie ». J’ai beaucoup apprécié à ce sujet la citation de Walter Bagehot de 1857: « Les hommes d’affaires en Angleterre n’aiment pas poser la question de la monnaie (…) et restent perplexes quand il s’agit d’en donner une définition précise. Ils savent comment compter mais ils ne savent pas quoi compter » Comme quoi, rien n’a vraiment changé depuis 150 ans ! Ce que confirment divers passages du livre où l’on constate que la mondialisation financière ne date pas d’aujourd’hui, faisant dire à certains à la fin des années 1800 que « le monde est un ; l’industrie et le commerce l’ont fait ainsi » (Chambre de commerce d’Elberfeld) ou encore « le monde est devenu un village »  (baron Karl Meyer Rothschild)

Une mise au point salutaire est faite qui prend tout son sens à la lumière de la crise que nous connaissons aujourd’hui : « La plupart des règles nécessaires à un bon exercice bancaire sont déjà partie intégrante des traditions ou règlements bancaires. Nombre de ces règles sont ignorées par les banques, tout comme elles le sont par ceux qui les édictent » et un rappel qui met cruellement à jour une des causes principales des difficultés actuelles de l’Europe « Hors de l’Union Européenne Monétaire, la plupart des grands pays considèrent l’émission et le contrôle de la monnaie comme une marque de souveraineté »  

Enfin et cela peut apparaitre comme un point de détail, mais il est très désagréable pour le lecteur qui essaye d’être attentif, il y a une grande confusion dans les notes et leurs renvois qui ne correspondent pas toujours. Cela vient vraisemblablement du fait que ceux-ci n’ont pas été remis à jour avec cette 4ème édition de l’ouvrage. Il semblerait d’ailleurs qu’il existe une cinquième édition entièrement remaniée mais pas encore traduite en français. C’est celle semble-t-il à laquelle fait référence P.N. Giraud.

En conclusion, il me parait plus profitable pour le profane de lire ou relire Giraud et Lordon plutôt que Kindleberger.

 

(1) Frédéric Lordon - « Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières » -  Note 11 page 17
(2) Pierre-Noël Giraud - « Le commerce des promesses » - Note 1 page 95