Encore un effort, Monsieur Harribey
Par RST le vendredi, 6 avril 2012, 21:03 - Monnaie - Lien permanent
Soucieux d’essayer de mieux comprendre l’attitude pour le moins déplaisante des Economistes Atterrés lors du séminaire sur la monnaie du 24 mars dernier, attitude que j’ai eu l’occasion de dénoncer ici, j’ai lu avec la plus grande attention la contribution de Jean-Marie Harribey intitulée "Contre le retour de l’épargne préalable, une conception sociale de la monnaie". J’y ai trouvé des choses intéressantes mais aussi, me semble-t-il, des contre-sens pouvant expliquer une partie du malentendu.
Je commencerai par évacuer rapidement l’aspect le plus désagréable du
texte. Si Harribey ne fait pas dans l’outrance comme le sinistre Beitone dont
les textes se lisent en se pinçant le nez, il ne peut néanmoins s’empêcher de
donner lui aussi dans la tentative de discrédit. Ceux qui ne pensent pas comme
lui sont décrits comme une "fraction
des réseaux alternatifs" qu’il accuse de "diffuser en leur sein un
pseudo-savoir" en profitant du "désarroi et de l’exaspération des opinions publiques à l’égard des
pratiques bancaires". Harribey s’abaisse même à décrire Christian
Gomez et André-Jacques Holbecq comme des "économistes peu connus dans le monde académique". Compte tenu
du niveau lamentable du "monde académique" actuel, cela pourrait
presque passer pour un compliment si ce n’était pas totalement ridicule, et pas
seulement parce que l’un au moins des individus cités n’est tout simplement pas économiste et le
revendique ! Tout cela était-il
vraiment nécessaire, Monsieur Harribey ? La force de vos arguments ne
suffisait donc pas ?
C’est effectivement une hypothèse possible tant il est difficile de
voir où veut en venir l’ancien co-président d'Attac. D’une certaine manière, il
le reconnait lui-même qui écrit au bout de 10 pages d’un document qui en comporte
15 : « Mais alors pourquoi
contester et refuser la solution allaisienne du 100 % monnaie ? "
Mais c’est bien là toute la question ! Et sa réponse ne nous éclaire pas
vraiment : "Parce qu’elle
constitue un grand écart intenable entre une monnaie étatique et une économie abandonnée
au marché et à la concurrence individuelle." Et plus loin : "La monnaie ne peut pas être comprise si elle
est réduite à son aspect purement économique. Elle n’existe pas non plus
seulement dans un cadre capitaliste. Elle est une institution sociale qui
dépasse ce cadre." Cet argument de la monnaie comme un "fait
social" est répété à satiété par certains, donnant l’impression de vouloir
dissimuler leur incapacité à argumenter derrière un jargon pseudo scientifique.
Personnellement, je suis convaincu,
pour peu que j’en ai compris la signification profonde, que la monnaie est un
"fait social" en ce qu’elle est un bien public, qu’elle régit les
rapports entre les hommes en faisant intervenir un sentiment très
particulier : la confiance. Mais en quoi cela remet-il en cause le 100 % monnaie, je ne vois
pas ! Ce que je vois mieux par contre, c’est une possible incompréhension
des hypothèses de travail de ses partisans. Contrairement à ce que semble penser Harribey, je ne crois pas que quelqu’un comme Gabriel Galand, qui défend
ce qu’il appelle une
monnaie à garantie totale, parte "d’une
conception d’un marché des fonds prêtables" dont il ne serait "pas sorti". En vérité, la confusion d’Harribey semble
totale puisqu’il va jusqu’à prétendre que, sur ce sujet Galand, aurait le même
point de vue que … Paul Jorion. Notre
Economiste Atterré n’a visiblement pas compris les différences théoriques fondamentales
entre le webmaster de Chômage et Monnaie et l’anthropologue belge qui nie le
phénomène de création monétaire par les banques commerciales. De fait, pour
Jorion, le 100% monnaie est déjà en place, c’est le système actuel !
Je ne m’aventurerai pas plus en avant dans l’analyse des propos d’Harribey faute de maitriser toutes les données du problème et notamment les contraintes du 100 % monnaie. Ce que je constate c’est que si les Economistes Atterrés veulent entamer un dialogue constructif, il ne faut pas qu’ils se trompent d’ennemi, qu’ils arrêtent de caricaturer les propos de ceux qui poursuivent le même but qu’eux mais par des moyens différents et qu’ils fassent l’effort de comprendre les thèses en présence. Mais le veulent-ils vraiment?