Tout a commencé dans un petit village d’une centaine d’habitants dans le département de l’Aisne. Le maire, boulanger de son état, vit son mandat comme un sacerdoce au point de distribuer le pain à perte dans les environs, en utilisant une camionnette qui lui coute plus qu’elle ne lui rapporte. Quand nous l’avons interrogé pour connaitre les raisons de ce qui pouvait apparaitre comme une  absurdité économique, il nous a répondu qu’il concevait cela comme une mission de service publique nécessaire pour assurer la survie de son village. C’était ma première mission et mon coéquipier m’avait averti des difficultés que l’on rencontrerait, en insistant qu’il fallait souvent deux ou trois rendez-vous avant d’espérer obtenir le précieux paraphe. Nous l’avons eu du premier coup. Le courant est passé et la chance aidant, nous avons eu ce pour quoi nous étions venus. Quel meilleur encouragement pour continuer ? Je n’ai pas été déçu par la suite même si ne pas obtenir de signature est vécu à chaque fois comme une grosse déception. Mais l’obtenir provoque un tel sentiment de satisfaction, que l’on en oublie les départs à l’aube, les heures passées sur les routes et les refus. Il y a eu ce maire d’un village de Haute-Marne qui nous a donné rendez-vous sur un chantier de rénovation d’habitation où il travaillait. Perché sur son toit, goguenard, il nous promet la signature, à condition que nous le rejoignions sur son perchoir. Ce que mon camarade fait aussitôt sans l’ombre d’une hésitation. Le maire, un peu surpris par sa témérité, m’interdit de faire pareil alors que je m’apprêtais moi aussi à grimper à l’échelle, et nous donne sa signature. Et quel honneur enfin, de rencontrer ce maire d’un petit village de l’Orne, âgé de 88 ans, ancien résistant, qui certes n’a pas (encore) signé, mais qui m’a accordé plus d’une heure d’entretien passionnant, qui restera un grand moment d’émotion.    

Il y  a plus de 36000 maires en France mais une infime minorité seulement accepte de parrainer un candidat, ce qui rend l’entreprise incertaine lorsque l’on ne possède pas les moyens financiers et médiatiques des grandes écuries politiques. Comme l’explique Nicolas Dupont-Aignan dans un éditorial récent : « C’est le général de Gaulle lui-même qui avait souhaité que les maires puissent jouer le rôle de filtre démocratique en désignant les candidats selon eux dignes de se présenter à la magistrature suprême. En effet, il savait combien les appareils politiques aiment confisquer la vie démocratique lorsqu’ils sont au pouvoir, et combien les maires et les conseillers généraux restent au contraire indépendants et libres. » Que les maires de France, réunis ces jours-ci en Congrès Porte de Versailles, soient remerciés pour leur action sur le terrain et, pour ceux qui parrainent, de permettre à la démocratie de fonctionner.