La première caractéristique du système français qui explique "la relative résilience de l’économie hexagonale" est bien connue, c’est le poids important des mécanismes de redistribution. "Ils participent en effet à la stabilisation des emplois en ces temps difficiles". Guillaume Duval, et nous avec, se félicite que Nicolas Sarkozy n’ait pas " eu le temps de mettre véritablement en œuvre son programme libéral quand la crise est survenue ".

Il est intéressant  de remarquer que les dépenses publiques françaises qui sont, de longue date, parmi les plus importantes, ont en revanche très peu augmenté au cours de la crise. Ce n’est pas le cas des Etats-Unis de l’Espagne ou de l’Angleterre où elles se sont accrues, en termes réels de 11 à 17 % entre 2007 et 2009. La question qui me vient alors à l’esprit est de savoir si ces niveaux de dépenses seront maintenus (voire augmentés) dans le futur. Autrement dit, vaut-il mieux un système qui privilégie la régularité au détriment de la performance pure ou bien un système qui amplifie les phénomènes avec une croissance très forte en période d’expansion et une récession plus profonde quand la crise survient ? Certes selon l’auteur, "grâce au volontarisme de leurs gouvernements, les Etats-Unis et l’Espagne devraient connaitre un recul de l’activité à peine plus important que la France" mais au prix de combien de drame humains ? Et les victimes de la crise bénéficieront-elles des conséquences de ce volontarisme ? Il parait plus efficace de maintenir les gens en activité que de les jeter à la rue dès que les difficultés surviennent pour ensuite éventuellement aller les rechercher, sans aucune garantie qu’ils seront toujours "employables".

A noter au passage une information qui va à l’encontre de bien des idées reçues : la part des salaires du secteur public dans le PIB au Royaume-Uni est proche de celle de la France, 13,2 % contre 11,8 % .

Parmi les autres raisons évoquées pour expliquer que le PIB reculera moins en France qu’ailleurs on trouve une démographie dynamique - qui contribue à soutenir la consommation des ménages mais aussi la demande de logements - un niveau d’épargne élevé et un endettement modéré. Le comportement des français en terme d’épargne et de placements que l’on pourrait qualifier de raisonnable, allié à un système bancaire et financier plutôt moins atteint que dans le reste de la planète (on croise les doigts !) ont aussi permis que la situation ne se dégrade pas excessivement.

Enfin dernière explication à la relative résilience de l’économie française, c’est son caractère peu industriel et faiblement exportateur. Ce qui, en tant normal est un lourd handicap devient ici un avantage, puisque les difficultés rencontrées par l’industrie et la diminution des exportations ont des conséquences relatives plus faibles qu’ailleurs compte tenu de leur contribution limitée à l’origine. Mais il ne faut pas s’en réjouir car comme le dit l’auteur "La France dispose certes de nombreux atouts pour attirer les touristes ou les retraités étrangers, mais il parait peu probable qu’un pays transformé en gigantesque parc de loisirs suffise à garantir un  niveau de vie aussi élevé qu’actuellement à toute la population française…"

Contrairement à ce que l’on pourrait croire le problème de l’industrie hexagonale n’est pas un problème de coûts : un salarié allemand coûtait 32 % de plus qu’un salarié français par heure travaillée en 2007, "et la productivité très élevée des travailleurs français est largement reconnue". Comme le précise Guillaume Duval,  "c’est surtout du côté de ce que les spécialistes appellent la compétitivité hors coût que cela pèche : la capacité d’innover, de coller rapidement à une demande évolutive,…"  Il y a là un vrai défi à relever pour nos dirigeants afin de recréer un tissu industriel digne de ce nom en assurant des efforts conséquents en matière de recherche et d’innovation et permettant le développement d’entreprises de taille suffisante pour jouer dans la cour des grands. Il est temps de se poser sérieusement et concrètement la  question de la ré-industrialisation de la France si nous voulons éviter de devenir un grand parc d’attraction. Et cela ne se fera pas en évitant une réflexion approfondie sur les protections à mettre en œuvre, sur l’absolue nécessité d’une certaine forme de protectionnisme afin de permettre à notre industrie de lutter à armes égales avec le reste du monde… en attendant le jour où la coopération entre les hommes remplacera définitivement la compétition et où il n’y aura donc plus besoin de lutter.