Il n’est pas mon intention de relancer ici le débat sur la création monétaire. Paul Jorion se trompe  c’est un fait acquis. Contrairement à ce qu’il croit, il n’est pas le nouveau Galilée et nous attendrons encore longtemps qu’il démontre, arguments à l’appui, que sa théorie tient la route. Il ne suffit pas de dire, par exemple, que Maurice Allais n’a rien compris, encore faut-il le démontrer. Et ça, ce n’est pas pour demain. Mais cela n’a en fait aucune espèce d’importance. Grâce à sa théorie fumeuse, seul (presque) contre tous tel Don Quichotte, il a réussi néanmoins à fédérer une communauté d’internautes qui trouvent dans ses productions intellectuelles, des raisons d’espérer, l’impression de pouvoir changer le monde et qui sont, pour certains, prêts à le subventionner pour qu’il continue à les abreuver de ses pensées. C’est ainsi que, bon an, mal an, il récolte environ 2 000 € de dons mensuels. Sauf erreur de ma part, il est un des rares (sinon le seul ?) à avoir réussit l’exploit de pouvoir pratiquement vivre de son blog. Tel un gourou des temps modernes, il sélectionne les adeptes dociles qui ne le contrediront pas, ou pas trop, et traite toute expression dissonante en… l’éliminant. Il parait que ce n’est pas de la censure mais de la modération. Sa stratégie d’élimination de la contradiction qu’on aurait pu croire pénalisante pour la popularité de son blog se révèle en définitive payante. Un choix judicieux que ne manqueront pas d’analyser les spécialistes du marketing.

Sur le fond, les propositions économiques de Jorion sont pratiquement inexistantes en dehors d’une vague idée de constitution pour l’économie, projet semble-t-il abandonné, et de sa prétention à vouloir, si j’ai bien compris, éliminer les paris sur les prix, réforme qui lui parait non seulement envisageable mais aussi susceptible de résoudre tous nos problèmes. On aurait tout aussi bien pu déclarer illégale la cupidité humaine ou la méchanceté! On le voit donc, Jorion s’appuie sur du vide et il en tire un salaire décent. Cela revient bien à créer de l’argent ex-nihilo. Chapeau l’artiste !

Mais au-delà du phénomène de mode et de la légitime recherche de popularité qui pousse à utiliser tous les moyens disponibles pour l’acquérir et la faire progresser, il reste l’angoissante question de savoir pourquoi et comment P.Jorion peut nier envers et contre tout un mécanisme (la création monétaire) qui n’a rien de secret et dont le fonctionnement est communément admis par l’immense majorité, sinon la totalité des spécialistes. Je ne crois pas personnellement à de quelconques intérêts bien compris qui feraient que P.Jorion aurait avantage à entretenir la confusion. Il me semble qu’il faut plutôt chercher du côté de la psychologie humaine.  Des éléments de réponse très intéressants ont été apportés à ce sujet par un commentateur (Sander) sur le blog "Plus loin que Jorion", que je reproduits ci-dessous :

Le déni de réalité survient quand, devant une réalité trop angoissante, nous nions l’évidence, comme si nous ne voulions pas la voir. En réalité, c’est que nous ne pouvons pas la voir tant elle serait douloureuse ou difficile à assumer.  Le déni proviendrait donc d’une angoisse. Il peut aussi être la manifestation d’une volonté de puissance.

Selon les explications du  philosophe Nicolas Grimaldi, une connaissance, si elle n’est fondée sur suffisamment de faits et de démonstrations ne reste qu’une croyance, elle ne peut pas prétendre au statut de science. La croyance relève d’une débilité de l’entendement qui cède le pas au bon vouloir. J’y crois parce que ça me fait plaisir d’y croire et toutes les raisons qu’on peut m’objecter ne valent rien contre la satisfaction que j’éprouve en y croyant. Descartes nous dit : croire est une sorte de folie douce, tout homme qui ne s’est pas soumis à l’épreuve du doute est une sorte de fou insomniaque.

Je ne sais pas si P.Jorion est insomniaque mais il a visiblement trouvé la bonne façon de rentabiliser son blog. Dommage qu’il s’en serve si mal et que tout cela ne s’apparente que trop à une sorte de phénomène sectaire construit autour de croyances qui tiennent lieu de connaissances. Dans ces conditions, il y a fort à parier que le monde idéal que Monsieur Jorion se propose d'instaurer, ne soit pas plus réjouissant que l’actuel.