Nous n’irons pas jusqu’à prétendre que, pour De Margerie, poser la question c’est y répondre mais sa façon de présenter les choses laisse planer un doute non négligeable qui mérite que l’on s’interroge sérieusement sur les concessions à la sécurité nucléaire qu’il serait prêt à accepter pour vendre ses produits. Or elle n’est pas négociable, cette sécurité, et de même que l’on ne saurait accepter que pour vendre des voitures moins chères, on décide de supprimer les ceintures de sécurité, il est encore moins admissible de dégrader les exigences relatives à cette même sécurité pour vendre une centrale nucléaire, quelles que soient les demandes des clients.

Une petite précision au passage : dans ce genre de mégaprojet, c’est toujours le prix qui fait la différence. De Margerie semble présenter cela comme une surprise mais il le sait très bien. Il le sait d’autant mieux  que c’est une constante dans l’industrie pétrolière au sein de laquelle il a fait toute sa carrière. La preuve que le seul critère qui compte c’est les prix est que, malgré l’insécurité qui augmente au Yemen où Total gagne de l’argent, il n’est pas question de partir mais d’assurer la sécurité des collaborateurs, tandis qu’en Irak, ce n’est pas l’insécurité qu’évoque De Margerie pour expliquer la perte de certains contrats mais bien … les conditions de prix.

Ce n’est pas la première fois que Monsieur De Margerie tient des propos pour le moins provocateurs. Il possède un art consommé de dire des choses graves en leur donnant un aspect anodin. Compte tenu du pouvoir du personnage, je suis surpris que cela ne soit pas plus souligné par les médias qu’ils soient traditionnels ou alternatifs. Il a beau prétendre avec beaucoup d’aplomb,  ne pas être à la tête d’une "société mondiale", il est bien le dirigeant d’une de ces multinationales qui gouvernent le monde et dont les décisions ont des conséquences majeures sur nos existences. Il serait donc normal que l’on fasse un peu plus attention à ce qu’il dit … avant qu’il ne soit trop tard.