C’est donc une série à succès de la télévision qui nous incite à évoquer une réalisation de Clemenceau, ministre de l’Intérieur pendant plus de trois ans : la modernisation de la police. Son rôle ne fut pas direct, c’est-à-dire que la transformation  n’émana pas techniquement de lui. En réalité, les « brigades du Tigre » devraient s’appeler les « brigades Hennion ». Le mérite de Clemenceau fut précisément d’avoir trouvé Hennion.

Célestin Hennion était né dans le Nord en 1862. A vingt-deux ans, il était entré dans la police comme employé auxiliaire à la direction de la Sûreté générale. Deux ans plus tard, il fut affecté à la police des chemins de fer, comme inspecteur spécial. Trois ans après, il accéda au grade de commissaire de police. Il fut affecté à Verdun, puis réintégra la police spéciale des chemins de fer à la gare Montparnasse. On lui confia ensuite à la direction de la Sûreté le service du pari mutuel.

Ayant pu observer l’action d’Hennion à propos de graves affaires politiques (la surveillance du général Boulanger) ou judiciaires (la « Bande à Bonnot »), Clemenceau apprécia sa compétence  et décida de le nommer, le 30 janvier 1907, directeur de la Sûreté générale. Ce poste était généralement réservé à des préfets mais Clemenceau tenait d’avantage compte des compétences que des traditions. C’est donc à l’ombre protectrice de Clemenceau qu’Hennion allait accomplir son œuvre réformatrice. Sous l’efficace protection de son ministre, il a véritablement créé une police moderne avec en particulier le Contrôle général des Services de Recherches judiciaires (future Police judiciaire) , la Brigade mondaine, le Fichier de police criminelle, l’Identité judiciaire ou le service des voyages officiels.

Pour ce qui est de l’administration interne de la police, Hennion fut aussi un grand précurseur, préoccupé de tous les problèmes humains, sociaux comme professionnels. Pour remédier au manque de formation des policiers, il créa l’Ecole pratique professionnelle des services actifs de la Préfecture de police, avec des méthodes d’enseignement très nouvelles, fondées notamment sur l’utilisation du cinéma. A travers elle, il s’attacha à définir la spécificité et la déontologie de la police républicaine du XXe siècle. Il décédera de maladie au Havre le 14 mars 1915