Et si les économistes n’étaient pas capables de penser la crise économique ? S’ils n’étaient pas outillés conceptuellement pour imaginer ce qui se passe, en ce moment, autour d’eux ? On peut imaginer qu’ils sont comme des piétons perdus dans la foule, et qui ne savent pas où va cette foule... Pourquoi court-elle, où va-t-elle... Ils avaient des lunettes et les ont perdues. Ils étaient capables de penser un monde de la croissance, où l’offre trouvait sa demande, où le crédit trouvait ses emprunteurs, bref un monde où rien d’extraordinaire ne se produisait, et voila que tout se casse. C’est un peu comme un équipage capable de diriger un bateau manœuvrant, où il n’y a rien à faire, et qui se trouve complètement dépassé par une tempête qu’il n’a pas vue venir. Ou encore comme l’état major d’une armée, incapable de comprendre la nature d’une guerre. On l’a vu en 14 et en 40.

Il existe pourtant des lois économiques. Quand l’économie va bien, et qu’on n’a pas besoin de lois. Mais en période de crise, les lois économiques disparaissent, c’est ça le problème. Et puis, quelles sont les lois économiques, à part la sempiternelle loi de l’offre et de la demande? Une fois qu’on a parlé de la loi de l’offre et de la demande, on a tout dit, en économie ! Or il se trouve qu’en période de crise, cette loi ne fonctionne plus. Les prix des immeubles s’effondrent, et la demande d’immeubles n’augmente pas, au contraire, elle diminue ! Les taux d’intérêt baissent, et la demande de crédit n’augmente pas, au contraire elle s’effondre !

Nous vivons une crise du rapport à l'argent

Les économistes pensent que les individus sont rationnels, raisonnables, qu’ils font attention à leurs dépenses, à leurs coûts, leurs salaires etc. Or il s’avère qu’en matière économique, les personnes sont plutôt irrationnelles. Tantôt elles s’enthousiasment, tantôt elles sont déprimées, angoissées. Ce qu’on appelle la « confiance ». La confiance est un phénomène totalement collectif et psychologique. La confiance est valable pour une économie comme une armée. Quand une armée perd confiance, la déroute est proche.

Ce que les économistes ne comprennent pas aujourd’hui, c'est que la crise est une crise de l’argent. Des rapports des hommes et de l’argent. Qu’à une période de cupidité effrénée, de désir morbide d’argent comme disait Keynes, d’inégalités, de gaspillage, de consommation ostentatoire et de destruction, va succéder autre chose. Mais quoi ?