Je rappelle que la négociation en question est celle dite du cycle de Doha organisé par l’OMC sous la direction de l’éminent socialiste français, Pascal Lamy. Celui-là même qui n’a pas eu peur, dans un article publié sur Challenges.fr, de se présenter en critique marxiste du capitalisme et surtout en combattant intrépide contre la mondialisation, lui qui fut et qui est encore l'artisan le plus zélé de la libéralisation sauvage et un ardent défenseur de l'AGCS.

En continuant la lecture de l’article de Telos, on apprend qu’ "Une étude récente de l’IFPRI évalue les couts associés à la non-signature d’un Doha Round, en étudiant non seulement les scénarios coopératifs, mais aussi les situations non coopératives." Et les auteurs de détailler les scénarios protectionnistes pris en compte et les hypothèses retenues, pour conclure à une perte de 1 064 milliards de dollars pour le commerce mondial.

C’est tout simplement ahurissant. La précision d’abord : c’est 1 064 et pas 1 063 ou 1 065. Ensuite le fait de croire que ce genre d’estimation ait une signification autre que celle de soutenir une propagande "libréchangiste". Qui peut décemment accorder un crédit quelconque à ce genre de calcul, biaisé d’entrée de jeu par les hypothèses prises en compte et le manque total de précision dû aux "autres éléments difficiles à évaluer", comme le signalent pudiquement nos deux experts. Quiconque a, dans son métier, été amené à faire des études de prix pour de gros investissements industriels par exemple, sait combien l’exercice est difficile et le risque d’erreur important. Mais même sans avoir cette expérience à titre professionnelle, nous avons tous en tête des cas de méga projets dont nous apprenons les nombreux dépassements budgétaires dans la presse.

Avant d’arriver à cette évaluation des couts, un passage particulier du texte a attiré toute mon attention. Celui où l’on nous explique,  compte tenu de la situation économique actuelle,  les avantages reconnus d’une politique protectionniste: "Dans ce type de contexte, le protectionnisme est un instrument particulièrement attractif pour les décideurs politiques : la protection accroit les prix, soutient l’activité des producteurs locaux (du moins dans un premier temps) et augmente les recettes publiques."

Et là, la conclusion (qui n'est bien entendue pas celle à laquelle arrivent  nos auteurs)  s’impose d’elle même : le protectionnisme (dont la forme et les modalités restent à discuter) coûterait certes, mais c’est au commerce mondial qu’il coûterait, c'est-à-dire à la minorité de privilégiés qui, grâce au "libréchange", tirent profit de la concurrence acharnée que se livrent les multinationales pour réduire les coûts du travail au dépend des salariés, et rapporterait à tous les autres, en particulier à ces mêmes salariés, en soutenant l’activité des producteurs locaux et en augmentant les recettes publiques.

La  démonstration est limpide et nous  ne pouvons espérer qu’une chose : l’échec définitif des négociations de l’OMC.