Ce Rastignac des temps modernes, superbe spécimen de ce que E.Todd appelle la  "classe dérivante", n’est-t-il pas l’incarnation de tous les maux de notre époque : absence totale d’idéal, déconsidération complète de l’intérêt général, confusion des idées, célébration de l’arrivisme, manque tragique de compréhension de l’évolution du monde (comme en témoigne sa référence au cliché largement éculé sur l’état d’esprit des Américains qui se retroussent les manches pour s’en sortir) ?

L’ensemble de l’interview est affligeant mais l’apothéose  est cette déclaration qu’il fait à la fin: "L’économie, c’est aussi de la psychologie". Quelle découverte ! Avec de telles révélations, C.Lagaffe C.Lagarde a du souci à se faire : son successeur est tout désigné ! Mais nous aussi, avons du souci à nous faire si nous devons compter sur ce genre de gugus pour nous sortir de la crise économique. 

Quand on y réfléchit bien, on est en droit de se demander si E.Besson n’a pas rendu un fier service au PS, en retournant sa veste au beau milieu de la bataille, pour filer chez l’adversaire. "Un traître en nous quittant nous affaiblit bien moins qu'un lâche défenseur"  nous dit Racine. Est-ce qu’on ne se trouve pas là au cœur du problème du Parti Socialiste, parti soi disant de gauche, affaibli depuis 30 ans par tous les "traitres" qu’il compte parmi ses dirigeants (les P.Lamy, D.Strauss-Khan, J.Delors, …) et qui eux, ne l’ont pas quitté. Il n’a jamais été réellement un parti d’opposition qui proposait autre chose. Il a été un parti qui s’opposait pour prendre le pouvoir et réaliser la même chose (et parfois plus radicalement) que la droite. J. Marseille l’a très bien expliqué dans un article publié par le mensuel Enjeux d’octobre dernier. Il démontre que deux faits majeurs, à savoir la diminution de la part des salaires dans le PIB et l’augmentation du rôle des marchés dans le financement de l’économie, ont eu lieu sous l’impulsion de gouvernements socialistes. Il écrit, je cite :

 "L’argent, ici symbolisé par la part du capital dans la richesse créée et celle du marché libre dans le financement de l’économie, prend une forme de revanche sur une évolution antérieure qui l’avait rudement malmené. Le principal paradoxe est que cette révolution des marchés de l’argent, tentée en vain par tous les gouvernements de droite successifs, depuis les débuts de la Ve République, a été réalisée sous les auspices du gouvernement à majorité socialiste – avec participation de ministres communistes- formé au lendemain de la victoire électorale de François Mitterrand le 10 mai 1981 sur la base d’un Programme commun qui devait marquer la victoire des forces du travail sur celles du capital. Autrement dit, le passage d’une économie administrée à une économie des marchés financiers a été le produit d’une alternance politique à gauche "

L’histoire récente du PS est donc bien celle d’une longue et patiente trahison, Eric Besson n’étant qu’un des maitres de cet art ancestral.

Comme l’écrit Malakine sur Horizons, "la gauche d'aujourd'hui doit impérativement exercer son « devoir d'inventaire » et rompre enfin, définitivement et clairement avec la pensée et l'héritage de ses ainés". En gros, elle doit "fusiller" les traîtres … virtuellement, bien sûr !


RST